Des idées aux projets
En 1855, le receveur général Conti proposa l'établissement d'un chemin de fer Sardo – Corse
pour accélérer les liaisons avec l'Algérie (l’utilisation conjointe de la marine et de la voie ferrée devrait permettre d'établir une relation entre Marseille, gènes ou Livourne d'une part et Bône de l'autre en 35 heures contre 50 H pour une traversée exclusivement maritime.
En 1861 l'ingénieur en chef Tourneux repris à son compte le projet du chemin de fer Sardo - Corse.
En 1864, la ligne Bastia - Bonifacio fut contesté au profit d'une ligne Bastia - Ajaccio,
il était question de raccorder à l'inévitable Bastia - Bonifacio, un Porto-Vecchio - Ajaccio desservant Sartène et Propriano. Par la suite avec les progrès de la navigation, l'unification de l'Italie et de nouveaux tarifs douaniers, les projets étudiés ne se tournaient plus que sur un trafic local et non plus commercial. C'est pour ces raisons que la priorité fut accordée au trajet intérieur Bastia - Ajaccio.
En février 1868, le ministre des travaux public demande à l'ingénieur en chef des ponts & chaussées de la corse de reprendre les études.
Le point le plus difficile étant le franchissement du col de Vizzavona culminant à 1161m. Au début du projet, c'est un système comparable au système à crémaillère (système Fell) qui est retenu avec un écartement du rail de 1.10 m. Deux tracés étaient retenus, un suivant la RN 193 et l'autre longeant la côte orientale jusqu'à Aléria d'où il rejoignait Corte en suivant le Tavignano. On étudia aussi à titre de comparaison une ligne à simple adhérence effectuant un détour par Porto-Vecchio et Sartène pour éviter les régions les plus montagneuses.
Le 16 août 1869, l'ingénieur départemental communique au ministre de tutelle un rapport
dans lequel il proposait l'adoption de l'itinéraire le plus direct avec recours au système Fell dans les rampes d'accès.
Itinéraire : | Distance - Estimation | |
---|---|---|
Bastia - Ajaccio via : | système Ordinaire | système Fell |
Golo - Corte - Vizzavona | 156,0 Km - 41 658 000 F | 152,8 Km - 23 650 000 F |
Aléria - Corte - Vizzavona | 177,8 Km - 41 439 000 F | 169,8 Km - 26 000 000 F |
Porto-Vecchio - Sartène | 275,2 Km - 50 191 500 F | - |
L’année suivante, les ponts & chaussés approfondirent leurs études en abandonnant pour l'heure l'idée du Bastia - Sartène - Ajaccio.
Ils se consacrèrent aux quatre premières variantes en ne faisant de Corte qu’un simple embranchement dans le cas du Bastia - Aléria - Ajaccio.
Après la demande de communication du dossier le 7 août 1873 par des Anglais qui ne donna aucune suite,
le 20 septembre 1874, MM Cotard et Champouillon déposèrent une demande de concession pour la ligne de Bastia à Bonifacio et éventuellement sur des embranchements d'Aléria à Corte et de Bonifacio à Ajaccio considérant que Bonifacio était un pôle névralgique de la Corse. Pour le ministre, il fallait réduire les frais de construction en ramenant l'écartement de voie à 1 m et la déclivité à 25‰ en simple adhérence ce qui amènerait à une économie de neuf millions de franc pour la construction du réseau complet.
Le 27 août 1875, les demandeurs soumirent un cahier des charges allant au-delà des souhaits du ministre :
rampes de 30 ‰ et des courbes de 80 m de rayons, ils voulaient aussi réduire les frais de construction en ramenant la gare de Bastia entre le couvant St Joseph et le cimetière ce qui éviterait la percé du tunnel de la Torretta, après quelque temps, MM Cotard et Champouillon après avoir créé une société anonyme de construction des chemins de fer de la Corse, abandonnèrent, car ils désespéraient d’obtenir un jour la déclaration d’utilité publique.
Le 7 avril 1876 le baron d’Ornano sollicita à son tour la concession du Bastia – Ajaccio,
mais, du fait de ses racines corse, il n’y eu pas de suite. Aucune candidature privée ne sera retenue.
Le 3 mai 1877, une décision ministérielle prescrivit l’adoption de la voie métrique
avec rail Vignole de 20 Kg / m, mais limitant dans un premier temps les déclivités à 20 ‰ Sur la ligne centrale d’Ajaccio à Bastia et à 25‰ sur les trois autres lignes Ajaccio – Propriano, Ponte-Leccia – Calvi et Casamozza – Bonifacio.
Le 15 août 1877 le préfet ordonna aux ingénieurs des ponts & chaussé de poursuivre les études de la ligne Bastia – Ajaccio
en fonction de ces directives. Dès que les avant-projets des deux sections Ajaccio - Mezzana et Bastia - Corte furent suffisamment avancés, un projet de loi fut déposé le 28 mars 1878, tendant à leur déclaration d’utilité publique. Adopté définitivement par la chambre des députés et le sénat respectivement les 6 et 8 juin suivants, la loi fut promulguée le 15 juin 1878. La construction de ces deux tronçons devait être entreprise immédiatement et l’étude de la ligne Corte – Mezzana devait suivre. Le 27 décembre 1879, la section Corte – Mezzana est déclarée d’utilité publique.
L'impressionnant catalogue de projets dressé par le plan Freycinet de 1878 est adopté par la fameuse loi du 17 juillet 1879.
Hormis ce Bastia - Ajaccio qui devenait enfin réel, la Corse allait profiter de la loi Freycinet, qui avait inclus dans sa liste de liaisons d'intérêt général, les lignes d'Ajaccio à Propriano, de Ponte-Leccia à Calvi et de Casamozza à Bonifacio. Ces lignes répondaient aux critères de l'époque qui accordait l'intérêt général aux liaisons desservant un chef-lieu d'arrondissement ou intéressant la défense du pays. Le tableau suivant reprend l'estimation de ce réseau.
Ligne : | Distance | Estimation |
---|---|---|
Total : | 433 Km | 57 000 000 F |
Bastia - Corte - Ajaccio | 156 Km | 25 000 000 F |
Ajaccio - Propriano | 55 Km | 6 000 000 F |
Ponte-Leccia - Calvi | 72 Km | 11 000 000 F |
Casamozza - Bonifacio | 150 Km | 15 000 000 F |
Les Travaux
Le 7 décembre 1878, Mgr de La Faota procéda à la bénédiction plutôt symbolique des premiers travaux.
Les travaux ne débutèrent en réalité qu'en février 1880 avec le percement des tunnels de la Torreta (Bastia) et d'Aspretto (Ajaccio). Malgré quelques problèmes d'ordre géologique, judiciaires et de venue d'eau dans les galeries lors du percement des tunnels, les travaux allaient bon train et au début des années 1882, les travaux de ballastage commencèrent. Durant cette même année 1882, la ligne de la Balagne et la section Casamozza - Ghisonaccia sur la côte orientale sont déclarées d'utilité publique.
Afin d'éviter au train de franchir le col de Vizzavona (1161 mètres d'altitude), les ponts-&-Chaussées décidèrent de percer un tunnel à 906 mètres d'altitude.
Cet ouvrage restera le plus extraordinaire du réseau de part sa longueur et ses caractéristiques rectilignes. Les travaux de percement du tunnel de Vizzavona débutèrent au début de l'été 1880. Ces travaux consistaient dans un premier temps à percer une galerie de deux mètres de diamètres grâce à deux perforatrices modernes employées de part et d'autre du tunnel, ainsi que quatre puits verticaux, et dans un deuxième temps à élargir ces galeries, les maçonner et enfin ballaster et poser la voie. Malheureusement, après deux années de travaux le percement de la galerie est suspendu à cause d'une source de 60 ou 70 m3/h de débit qui apparue à 1700 m de la tête nord du tunnel, inondant sur plus de 600 m le front nord du tunnel. Afin d'éviter un long travail de pompage, les travaux de percement reprirent du côté sud du tunnel (le tunnel étant en pente de 20‰, l'eau n'aurait plus qu'à s'écouler vers la Gravona). Une fois l'eau évacuée, il resta encore six années de travaux afin de terminer l'ouvrage d'art de 3916 mètres de long.
Pour sa part, le projet de la ligne de Ponte-Leccia - Calvi déposé sur le bureau du parlement le 6 novembre 1881 prenait en compte deux tracés différents avec un parcours commun sur 28 Km de Ponte-Leccia à Palasca.
Le premier projet desservait Belgodère et Aregno en suivant l'ancienne RN-197 jusqu'à Calvi, Île-Rousse dans cette hypothèse ne serait desservie que par un embranchement prenant naissance à Palasca. Bien que plus coûteux, il avait l'avantage de desservir un plus grand nombre de localité et par conséquent, laissé espérer des recettes beaucoup plus considérables. La seconde possibilité desservait également Belgodère, se dirigeait ensuite vers Île-Rousse puis atteignait Calvi en longeant la côte. Le tracé était direct et plus court de 4 Km, mais le coût était réduit de près de moitié, c'est donc cette seconde possibilité qui fut choisie.
Le 21 février 1883, une convention est signée entre le ministre des travaux publiques et le président de la Compagnie de Chemins de Fer Départementaux (CFD).
La Compagnie CFD s'engage à construire les lignes de Ponte-Leccia à Calvi et de Casamozza à Ghisonaccia, elle devra aussi exploiter provisoirement (la convention est signé pour quinze ans reconductibles par périodes successives de trois ans) ces deux lignes ainsi que celle de Bastia à Ajaccio. Elle devra éventuellement construire les lignes de Ghisonaccia à Bonifacio et d'Ajaccio à Propriano à condition que l'utilité publique de ces lignes soit déclarée.
Les travaux sur les lignes de Balagne et de la Côte orientale ne sont engagés qu'au début de l'année 1886.
Les premiers terrassements effectués, et grâce à l'aide de trois locomotives de chantier, les travaux de la côte Orientale progressèrent d'une façon telle que la voie était posée de Casamozza à Tallone dès le début de l'été.
Parallèlement, les travaux sur la ligne de la Balagne, quant à eux ne fut pas aussi facile, en raison d'un relief accidenté. Effectivement, il fallut dans un premier temps substituer un tunnel de 40 mètres à la tranchée initialement prévue, du fait de la friabilité de la roche. La pose de voie, limitée à Palasca de part le fait, fut terminée pour l'automne 1888, mais malheureusement, la galerie s'effondra, il fallut en construire un autre plus profondément sous la montagne.
Le 1er février 1888, les sections Casamozza - Tallone et Bastia - Corte sont ouvertes à l'exploitation.
Le 17 juin 1888, la ligne de la côte Orientale est étendue jusqu'à ghisonaccia.
En Balagne, la section Ponte-Leccia - Palasca est ouverte le 10 janvier 1889 et Palasca - Calvi n'est ouvert que le 15 novembre 1890, avec un retard de plus d'un an causé par le problème de souterrain.
Alors que la ligne de Bocognano à Vivario était ouverte depuis le 14 juillet 1889, les travaux du pont du vecchio ne débutèrent que le dernier trimestre 1890.
Ce viaduc était d'une dimension telle (94 mètres de haut et 140 mètres de long) qu'il fallut un architecte assez avant-gardiste pour le construire. Un certain M. Eiffel fut choisi, celui-là même qui construira quelques années plus tard le célèbre monument de la capitale. Pour ce faire, l'architecte choisi une architecture mixte composée de deux piliers en pierre et trois travées métalliques, d'un montant de 400 000 F. Les travaux de ce chantier se terminèrent le 1er octobre 1892 avec un mois d'avance sur le délai imposé, la section Vivario - Vizzavona ouvrit donc le 9 octobre suivant.
Il ne resta plus que la section Corte - Vivario à ouvrir le 3 décembre 1894 pour que tous les trains puissent circuler sur tout le réseau.
Cependant, il faudra attendre encore 42 ans pour voir le tronçon Ghisonaccia - Solenzara ouvrir le 15 septembre 1930 et attendre encore cinq ans pour voir le tronçon Solenzara - Porto-Vecchio ouvrir le 21 septembre 1935.