Unanimité. Une fois n'est pas coutume, les conseillers territoriaux sont tombés d'accord, jeudi soir, sur un dossier capital pour l'aménagement du territoire : la reconstruction de la ligne de chemin de fer dans une zone fortement urbanisée.
Les élus ont souhaité affirmer leur volonté commune de développer le rail et d'en faire un moyen de transport public efficace. Entre desserte géographique nouvelle, enjeu économique, social et aménagement du territoire, le rapport de l'exécutif, amendé, a été adopté à l'unanimité.
La desserte de la Plaine orientale par voie de chemin de fer a vu sa première concrétisation en 1888 par l'ouverture de la ligne reliant Casamozza à Ghisonaccia. Elle est ensuite prolongée en 1930 jusqu'à Solenzara et en 1925 jusqu'à Porto-Vecchio. Cette ligne de chemin de fer totalise alors un linéaire de 130 kilomètres. La section Porto-Vecchio-Bonifacio portant sur 20 km n'a jamais été construite, bien que les emprises foncières aient été acquises par l'état. La Seconde Guerre mondiale a occasionné de tels dégâts à cette voie ferrée qu'elle ne fut jamais remise en service. Aujourd'hui, l'exécutif relance le projet.
" La réouverture d'une ligne sur cette partie du territoire suscite de plus en plus un intérêt auprès de la population locale et des élus locaux. Il m'a donc paru utile d'étudier l'état actuel de cette ancienne voie ferrée et d'examiner les possibilités de réutilisation de ces emprises dans l'éventualité d'une future reconstruction de cette ligne ", a argumenté Paul-Marie Bartoli, en faisant l'état des lieux du territoire, le réseau et les emprises foncières.
Trois tronçons à l'étude
Le conseil exécutif est parti du constat que la population de la Plaine orientale est en pleine croissance : plus de 25 % pour les communes de Poggio-Mezzana, Santa-Lucia-di-Moriani, San-Nicolao en une dizaine d'années. Le projet prévoit trois tronçons : dans un premier temps, la reconstruction d'une voie entre Monte et Poggio-Mezzana, Santa-Lucia-di-Moriani et San-Nicolao ; dans un deuxième temps, l'extension Moriani et Prunetta et le troisième lot se situera en direction de Bonifacio. Un projet majeur qu'il faut imaginer sur le long terme (une dizaine d'années).
Pour Paul Giacobbi, le train apparaît comme une solution évidente. " Le train est, dans de nombreux cas, le seul moyen concret de régler un certain nombre de nos problèmes. Je ne crois pas qu'entre Casamozza et Bastia l'extension éternelle de la route va régler l'ensemble des problèmes de déplacement. "La décision de l'exécutif a été saluée sur tous les rangs de gauche. Sur l'aile droite, l'initiative est intéressante, mais on aurait préféré l'aborder dans sa globalité, en lançant notamment les études nécessaires, dès le départ, jusqu'à Bonifacio. Un point de vue qui n'est pas partagé par Corsica Libera. En revanche, les nationalistes soutiennent, sans réserve, la démarche qui consiste à réinstaller la ligne en Plaine orientale. Même son de cloche pour Femu a Corsica. Ils approuvent ce projet, jugé majeur dans de nombreux domaines : " Il est évident que ce serait très intéressant d'avoir une ligne jusqu'à la Casinca ou la Costa Verde et même au-delà. Pour la bonne raison que les routes sont saturées et dangereuses dans ce secteur. Cela permettrait également d'améliorer le fonctionnement de l'agglomération de Bastia ", a indiqué Michel Castellani.
Le document manque de chiffres
Seules critiques formulées par l'opposition : le coût de l'opération. Le document manque de chiffres en ce qui concerne le financement de ce très lourd projet. " Si on ne trouve pas un artifice pour monter une structuration économique sur une ligne qui ne sera jamais rentable, au mieux on aura 25 % de recette commerciale par rapport au coût d'exploitation réel, on n'y arrivera jamais. Cela ne sert à rien de lancer des études. On se fait plaisir ", a estimé Paul-Felix Benedetti. La rentabilité éventuelle de la ligne a également grimpé dans la locomotive des critiques. " On ne peut pas, à ce stade de la réflexion, faire du financement la question essentielle du projet et encore moins évoquer la question de la rentabilité économique. Si nous prenons cette question indépendamment de l'objectif politique qui est le nôtre en terme d'aménagement du territoire, peu de chose serait rentable et il faudrait s'interroger sur l'ensemble du réseau ferroviaire ", a rétorqué Michel Stefani.
Sur la philosophie générale, les élus sont sur la même ligne. Reste le problème financier. L'exécutif considérant qu'il est difficile à ce stade du projet de connaître le coût précis, il propose pour l'heure de lancer les études techniques, foncières et financières. Au final, l'assemblée a décidé de mettre la Corse sur les bons rails et a demandé la poursuite des études sur le tracé global entre Bastia et Bonifacio
Source : Corse Matin du samedi 28 avril 2012